Les Mayrisch et l’«esprit de Colpach»

L’industriel luxembourgeois Émile Mayrisch n’a pas seulement été le directeur général des Aciéries Réunies de Burbach-Eich-Dudelange (Arbed) et partant, un des barons du fer les plus puissants d’Europe; il était en outre philanthrope (lien) et défenseur du rapprochement des peuples, en particulier de la réconciliation entre Français et Allemands au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le 30 mai 1926, il fonda le Comité franco-allemand d’Information et de Documentation qui entretenait des bureaux à la fois à Berlin et à Paris. Quelques mois plus tard, le 30 septembre, l’Entente Internationale de l’Acier vit le jour. Mayrisch avait largement contribué à la naissance du cartel conclu entre sidérurgistes français, allemands, belges, luxembourgeois et sarrois dans le but de triompher des prescriptions économiques du traité de Versailles dont les répercussions s’étaient avérées particulièrement néfastes pour toutes les industries lourdes du continent européen.

Quant à son épouse Aline Mayrisch-de Saint-Hubert, elle était active à son tour à la fois dans les domaines social et culturel: sa vie durant, elle s’engagea à fond dans d’innombrables œuvres caritatives – de l’organisation des colonies de vacances pour enfants défavorisés à la construction d’une maternité moderne en passant par la mise en place d’un réseau d’assistance pour les personnes atteintes d’un cancer ; tout le long de sa vie, elle s’adonnait également avec passion à la littérature, entre autres en rédigeant des comptes rendus d’écrits en langue française pour le public allemand et vice-versa, soit en contribuant à la traduction d’ouvrages importants.

Ensemble, le couple Mayrisch accueillait dans sa demeure campagnarde à Colpach de très nombreux personnages illustres issus tantôt du monde artistique et scientifique, tantôt des milieux économiques et politiques. André Gide, Annette Kolb, Karl Jaspers, Jacques Rivière, Jean Schlumberger, Ernst Robert Curtius et Marie Delcourt figuraient parmi les hôtes des Mayrisch aussi bien que Richard Coudenhove-Kalergi ou Walter Rathenau. Tous partageaient la même volonté de triompher des ressentiments nationalistes en essayant d’écouter et de comprendre les autres.

Depuis lors, le nom du village qui abrite l’ancienne demeure des Mayrisch est devenu synonyme de la bonne entente entre les peuples, notamment français et allemand. D’aucuns y ont même entrevu un « petit noyau de la future Europe » (Paul Desjardins, journaliste et humaniste). Le «Cercle des Amis de Colpach» s’efforce aujourd’hui d’honorer et de réanimer cet esprit conciliant de Colpach.

Dès le lendemain de l’Armistice de Rethondes, les Mayrisch s’affairent à guérir les plaies de la Première Guerre mondiale: tandis que des ouvriers de l’Arbed et du groupe Terres rouges (ancienne Gelsenkirchener Bergwerks- und Hütten AG) aident à reconstruire le Nord-Est de la France dévastée, Aline Mayrisch soigne à Dudelange des enfants traumatisés de l’orphelinat Saint-Maur de Verdun.
Source : Bibliothèque nationale de Luxembourg

En juin 1922, Aline Mayrisch (au fond, à droite) se voit attribuer la Légion d’honneur en signe de reconnaissance pour ses mérites au sein de la Croix Rouge luxembourgeoise pendant et après la Grande Guerre.
Source : Archives nationales de Luxembourg